Article paru dans la revue Transfert no14 de l'ARFOR (Association des professionnels de la formation d’adulte)
Christophe Fraefel se propose de tenir une nouvelle rubrique consa- crée à ses domaines de prédilection : la pleine conscience et la méditation. Deux moyens pour mieux vivre en tant qu’être humain et dans notre pratique de la formation.
Si tu me prends par les sentiments...
Une compagnie d’assurances vient de publier une étude. Ses résultats invitent à réfléchir sur notre rapport aux émotions et à leurs conséquences dans notre vie. L’étude en question a porté sur 5 554 personnes âgées de 18 à 80 ans. Il en ressort :
que 39 % de la population testée se dit épuisée, 38 % inquiète, 29 % stressée
une nette différence de vécu des émotions entre les hommes et les femmes et selon l’âge.
Parmi ces résultats, certaines manifestations considérées comme des émotions sont en réalité des sentiments. C’est-à-dire un ressenti diffus, par exemple de satisfaction ou de mal-être. Le terme émotion me semble donc parfois mal choisi. Mais, sur les affiches ou publicités, ce mot suscite, chez le lecteur ou le futur client, une « émotion » dans laquelle il peut se reconnaître. Marketing oblige, il est bien plus porteur de parler d’émotions que de sen- timents ou de sensations.
Cette étude m’a interpellé. Elle m’a rappelé mon vécu avant de connaître la méditation et la pleine conscience. L’épuisement, le stress, le burnout, l’inquiétude de ne jamais être assez parfait ni dans ma vie sociale ni au travail. Et surtout mon manque flagrant d’outils pour réguler la vive agitation mentale et émotionnelle qui m’habite sans cesse.
Jeune, j’avais appris à ne pas vraiment tenir compte de mes émotions. Voire à les refouler d’un « ce n’est pas si grave... » A la place, je me concentrais sur mon comportement, être exemplaire et rester fidèle à nos convictions humanistes familiales.
Je remercie infiniment mes parents pour ces belles valeurs transmises. Mais je regrette tout de même qu’à l’époque, personne ne parlait de la façon de mieux traverser ses émotions. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir acquis plusieurs outils et techniques afin de les vivre pleine- ment et de mieux savoir les réguler.
Bribes à connaître sur les émotions
Les éléments qui suivent aident à mieux cerner et comprendre ce vaste sujet. Une émotion est une réaction rapide de notre organisme à un évènement externe ou interne, un déclencheur. Par-delà la dé- finition, voici d’autres aspects à considérer en la matière.
Une émotion :
est une conséquence. Elle succède à la perception d’une agression physique et/ ou mentale, agréable ou désagréable ;
se traduit par un phénomène physiologique. Gorge nouée, papillons dans le ventre, cœur serré, larmes, cris, etc. ;
nous transmet un message de sécurité. Celui-ci nous renseigne sur des besoins à combler. À nous de saisir ce que notre émotion a à nous dire ;
vise à assurer notre survie. Une absence d’émotions nous rendrait vulnérables aux dangers. Les émotions sont des « sentinelles de vie », tant dans les bons moments que dans les épreuves ;
appartient à notre humanité partagée. Nous vivons des moments difficiles ou réjouissants assortis d’émotions. Nous ne sommes donc pas seuls.
Méditation + pleine conscience = régulation efficace de nos émotions
Grâce à mes connaissances de formateur d’adultes en entreprise et d’instruceur de méditation pleine conscience, je développer une relation d’« amitié » et de bienveillance avec mes émotions. Aussi bien à l’égard de celles qui m’enflamment ou me laissent froid, que celles qui me plombent le moral ou me fâchent.
En bref, j’ai changé à 100 % ma manière d’interagir en la matière. Avant, je les cachais sous le tapis ou je me résignais à les subir. Depuis plusieurs années, j’apprends à observer ce qui se passe en moi, afin de les accueillir et leur ouvrir la porte. Cela m’aide à les vivre en conscience et à les « traverser » de manière plus sereine, sur- tout lorsqu’il s’agit d’émotions difficiles.Résultat: je me sens nettement plus ancré et conscient ; davatage doté de courage et de confiance face aux épreuves de la vie.La méditation dite de pleine conscience n’est pas un outil miracle, loin de là. Mais elle réserve quantités de bien- faits. L’un d’eux et non des moindres, est de révéler, peu à peu, une meilleure version de moi-même, entre autres, grâce au fait d’observer et de réguler mes sensations et de mes émotions.
Cas concret et mise en pratique (émotions mode d'emploi)
Avez-vous déjà eu affaire à des participants énervants? J’imagine, car cela fait partie de nos expériences partagées. Comment avez-vous réagi au bouillonnement émotionnel que cela a déclenché en vous? Avez-vous réussi à vous réguler sur le plan émotionnel? Ou, au contraire, avez-vous dû subir de pénibles tourments ?
Plutôt que de longs discours, voici un outil concret de 3 minutes. En cas d’énervement ou de bouillonne- ment émotionnel, essayez ceci :
Prenez conscience : sortez du mode automatique habituel. Remarquez qu’il se passe quelque chose en vous. Un STOP en conscience.
Observez: focalisez-vous sur vos ressentis et vos perceptions corporelles.
Nommez : tentez au mieux de nommer l’émotion ou la sensation la plus présente. Cela fait, enveloppez-la de douceur par des pensées réconfortantes pour en prendre soin.
Respirez : permettez à cette émotion d’être là, en respirant «avec elle» en conscience et en lui accordant davantage de place dans le corps.
Souvenons-nous : toute émotion a deux vertus : assurer notre survie et nous délivrer un message. Autant de bonnes raisons de lui accorder de l’attention, de la laisser s’exprimer, adopter des outils de régulation, et la laisser exister en nous. Car, finalement une vie sans émotions et une vie perdue (Roger Fournier), alors vive la vie et vivent les émotions !
Christophe Fraefel https://www.arfor.ch/wp-content/uploads/2022/12/Transfert-14-WEB.pdf
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